Alphonse de Prât de Lamartine - LAROUSSE (2024)

Poète et homme politique français (Mâcon 1790-Paris 1869).

La vie et l'œuvre

Haute taille, flancs étroits, svelte élégance, prunelle embuée… un mimétisme le rapproche du bon chien Fido. Il est le poète aux lévriers et l'on sent autour de lui comme une saturation de tendresse: chez sa mère et ses sœurs, chez ses amis, tous irréprochables; chez trois Elvire à sa dévotion, Antoniella, Julie Charles, Marianne Élisa Birch, sa femme. Même aux heures de dénuement et de vieillesse, il demeure riche d'une nièce-Antigone et d'admirateurs inconditionnels. Ce gentilhomme prodigue a de son côté beaucoup aimé. Il a capté des correspondances impérissables. Saurait-on passer en Mâconnais sans associer d'instinct au paysage les meilleurs vers de «Milly ou la Terre natale», de «la Vigne et la maison» ou de Jocelyn? Et pourtant, notre époque ne sait plus très bien ce qu'elle doit faire de lui.

Le lac du Bourget et la révolution de 1848 –il fut membre du gouvernement provisoire et ministre des Affaires étrangères –ont été les deux fatalités de Lamartine. Le succès foudroyant de ses débuts lyriques a irrémédiablement hypothéqué son avenir. La popularité du poète a fait le député, mais le député s'est vu cruellement reprocher ensuite de n'être qu'un poète.

Il n'est guère question de réviser le contenu de mille vers de circonstance, affligeants et naïfs; d'épîtres aux amis, laborieusem*nt rimées dans un goût attardé; de tragédies anciennes et modernes où l'on cheville ferme. La grande affaire de sa poésie, sentimentale ou engagée, a été l'apprentissage de son âme. Au chant monodique des Méditations (1820) –un événement et non une révolution –succèdent les Nouvelles Méditations (1823) et surtout les Harmonies poétiques et religieuses (1830), qui témoignent d'un lyrisme mieux nourri. La voix solitaire s'est multipliée aux dimensions de l'hymne universel à Dieu. Mais, devant les bouleversem*nts de 1830, la découverte d'autres civilisations à travers de vastes voyages en Orient, la mort de sa fille Julia (1832), ce nouveau psalmiste affronte ses dernières mutations. Avec ses odes politiques (Contre la peine de mort, 1830; À Némésis, 1831; Sur les révolutions, 1831-1832) et les Recueillements poétiques (1839), Lamartine prétend annuler définitivement le chant étroit des Méditations pour apparaître comme un prophète des Temps modernes, ou mieux comme un nouveau crucifié sur un autre Golgotha. Son âme s'est élargie aux souffrances du monde. Cette évolution à la fois mystique et humanitaire, très suspecte à l'Église, puise, comme celle de Victor Hugo et de la plupart des romantiques français, dans le fonds alimenté par les théories de Pierre Simon Ballanche (1776-1847) et de La Mennais. Elle a besoin, pour exprimer son évangile, de retrouver le langage des civilisations naissantes, l'épopée. Lamartine songe à écrire celle de l'âme qui, déchue par la faute d'un ange, opère à travers déchirements et révolutions ses remontées successives vers le rachat total. La lumineuse Mort de Socrate (1823), le sombre Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825) étaient déjà, en blanc et noir, des prémices au cycle épique des Visions, dont deux épisodes seulement, Jocelyn (1836) et la Chute d'un ange (1838), suffirent à épuiser le souffle de l'invention lamartinienne.

Devant ses aberrations de style et son dédain de la discipline formelle, notre époque, habituée à d'autres expériences de communication poétique, se demande si Lamartine a bien été poète. On peut affirmer en sa faveur qu'il a connu, lui aussi, la tentation du langage ineffable, objet de toute quête poétique. Il a souffert de comparer l'ampleur de l'inspiration qui l'exaltait avec l'infirmité de sa traduction. Comme l'ont fait plus tard Mallarmé et Segalen, il a rêvé du chant impossible qui «se parle à lui-même / Dans la langue sans mots, dans le verbe suprême / Qu'aucune main de chair n'aurait jamais écrit» (Pensées en voyage).

Il fut cependant un solide fils de la terre et, comme la plupart de ses compatriotes qui n'ont ossianisé ou byronisé qu'en surface, on le devine plus attentif aux réalités qu'aux rêves. S'il fallait réimprimer en priorité l'une de ses œuvres, ce serait l'ensemble de ses discours politiques antérieurs à 1848, sur lesquels règne la conspiration du silence. L'ancien légitimiste devenu par élan du cœur l'homme du «parti social» y dénonce l'immobilisme de la France de Louis-Philippe en termes incisifs qui n'ont rien de commun avec le ton approximatif du poète.

Le poète et l'homme social

Il suffirait de changer peu de mots pour que s'adapte à notre temps son analyse du malaise de la jeunesse. Il met en garde contre tout ce qui deviendra pour le xxes. motif de guerre froide ou de rupture violente: Alger, la Grèce, la question d'Orient, le ton des relations avec la puissance russe ou avec l'Amérique. Il ne savait peut-être pas gouverner, mais il savait prévoir. Les deux qualités sont-elles d'ailleurs souvent réunies dans le même homme? Il est encore utile pour nous de regarder cette lucidité réagissant objectivement devant des rapports de forces, sources premières des conflits.

Il sembla qu'avec les commémorations du centenaire de sa mort on ait commencé à prendre conscience de la nécessité d'un redressem*nt de l'exégèse lamartinienne. On devait déjà beaucoup aux travaux de M. F. Guyard et de H. Guillemin, le premier s'attachant plus particulièrement à réévaluer le poète, le second à cerner l'homme social. Approches linguistique, psychocritique, thématique évolueront à leur aise sur les terrains que la désaffection ou l'ironie contemporaines ont laissés vierges. Que d'obsessions à interpréter, que de niveaux de lecture possibles, non seulement dans ses poèmes, mais aussi dans son étrange Histoire des Girondins (1847), dans ses variations autobiographiques: récits de voyages, Confidences (1849), Cours familier de littérature (1856-1869), Mémoires (publiés en 1870); dans ses «romans», Geneviève, histoire d'une servante (1850), le Tailleur de pierres de Saint-Point (1851), Fior d'Aliza (1863), Antoniella (1867), et dans toutes ces œuvres de dernière heure que leur prose hâtive a fait ranger parmi les productions de littérature alimentaire.

Peut-être le «dieu tombé» regagnera-t-il ainsi le droit de remonter vers «les plus hauts rayons du soleil».

Alphonse de Prât de Lamartine - LAROUSSE (2024)

FAQs

Quel est le poème le plus connu de Lamartine ? ›

Le Lac est un des plus célèbres poèmes de Lamartine paru dans les Méditations poétiques en 1820, considéré comme un des fleurons de la poésie romantique française.

Quel est le rôle de Alphonse de Lamartine ? ›

Homme de lettres et diplomate, Alphonse de Lamartine ne débute sa carrière politique qu'après la révolution de juillet 1830. Principal représentant du courant libéral et progressiste, notamment dans son Histoire des Girondins (1847), il s'oppose au régime de Louis-Philippe.

Quelles sont les grandes réalisations d'Alphonse de Lamartine ? ›

Œuvres
  • La fenêtre de la maison paternelle (1816)
  • Méditations poétiques (1820) dont : « Le Lac », ...
  • La Pervenche (1821)
  • La Mort de Socrate (1823)
  • Nouvelles Méditations poétiques (1823) dont : « La Solitude » ...
  • Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825)
  • Épîtres (1825)
  • Harmonies poétiques et religieuses (1830) dont :

Quel est le nom complet d'Alphonse de Lamartine ? ›

Alphonse de Lamartine, ou plus précisément Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né à Mâcon le 21 octobre 1790 et mort à Paris le 28 février 1869, est un poète, un écrivain, un historien et un homme politique français.

Qui est le poète le plus romantique ? ›

La poésie romantique, un langage intemporel

Née à l'étranger sous l'influence de Goethe et de Walter Scott, la poésie romantique a été portée en France par de très nombreux auteurs français comme Victor Hugo, Alfred de Musset, Paul Verlaine, Lamartine ou Alfred de Vigny.

Quelles sont les citations de Lamartine ? ›

Alphonse de Lamartine a dit...
  • “Ignorant d'où je viens, incertain où je vais.” ...
  • “Le passé, l'avenir, ces deux moitiés de vie dont l'une dit jamais et l'autre dit toujours.” ...
  • “L'égoïsme et la haine ont seuls une patrie ; la fraternité n'en a pas !” ...
  • Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ?”

Quel est le style de Lamartine ? ›

Alphonse de Lamartine est l'une des grandes figures du romantisme français, mais aussi du mouvement abolitionniste français au 19ème siècle. Ecrivain, homme politique, il participe activement à la révolution de 1848 et à l'abolition de l'esclavage.

Quel drame a marqué la vie et l'œuvre d'A de Lamartine ? ›

Il effectue alors un voyage en Orient, où il visite la Grèce, le Liban et les lieux saints du christianisme, relaté dans Voyage en Orient et marqué par le drame de la mort de sa fille Julia.

Quelles idées défend Lamartine ? ›

Lamartine repousse l'amendement et défend l'élection au suffrage universel, après avoir condamné alternativement « le droit de naissance » comme le « droit du hasard », le « droit de primogéniture » comme celui du « premier venu », le « droit de la conquête » comme le « droit de la violence et de la force brutale », le ...

Quel célèbre recueil Lamartine A-t-il publié en 1820 ? ›

En 1816, il vit une histoire d'amour avec une femme mariée, Julie Charles qui meurt en 1817. Son célèbre recueil les Méditations poétiques publié en 1820 et qui lui est dédié, a marqué toute une génération d'artistes romantiques.

Quel est Le Lac dont parle Lamartine ? ›

Il est inspiré par le lac du Bourget, lieu de leur rencontre et d'épanouissem*nt de leur liaison. Considéré comme le fleuron de la poésie romantique, ce poème lie indéfectiblement la ville d'Aix-les- Bains et le lac du Bourget au courant du romantisme.

Quel est l'engagement de Lamartine ? ›

Alphonse de Lamartine est également un des hommes forts de la révolution de 1848. Engagé dans la lutte pour l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort, défenseur de la liberté de la presse, il devient ministre des Affaires étrangères du gouvernement provisoire de 1848.

Pourquoi Lamartine a écrit le poème Le Lac ? ›

Du 21 août au 17 septembre 1817, Lamartine séjourne à la Pension Perrier. Julie est très malade et ne peut le rejoindre. C'est au cours de ce séjour qu'il compose «Le Lac», à l'intention de la chère absente. Dans ce poème, il donne à Julie le nom d'Elvire.

Quel poème de Lamartine est récite par cœur par le capitaine Haddock dans Le Trésor de Rackham le Rouge ? ›

Dans l'album Le Trésor de Rackham le Rouge, à bord de la chaloupe qui le ramène vers son navire, il récite le quatrième quatrain du poème Le Lac d'Alphonse de Lamartine.

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Author: Catherine Tremblay

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